Éditorial de la SFMPL

06 Avril 2020
Une pandémie qui remet la santé au cœur de notre vie

Par le Docteur Christophe de JAEGER.

Pour la plupart des gens « être en bonne santé » signifie « ne pas être malade ». Cette notion est simpliste et aujourd’hui totalement dépassée.

L’Organisation Mondiale de la Santé dans sa déclaration inaugurale[1] en 1946 définit la santé comme :

« Un état de complet bien-être physique, mental et social, [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ».

 On voit donc que déjà un 1946, il y a plus de 70 ans, le concept « ne pas être malade » pour définir la santé était largement obsolète. Vient ensuite se pose la question de l’intrication entre le « bien être physique », le « bien être mental » et enfin, le « bien être social ». Les trois sont certes liés : peut-on être bien physiquement, si on est mal mentalement (stress...) et/ou si l'on est en déserrance sociale ? Poser la question en ces termes conduit fatalement à confiner la santé dans les aires sociales et psychologiques, ce qu’elle n’est pas à mon sens.

La santé est avant tout un équilibre (hémostasie) extrêmement complexe et en permanence remis en question par une multitude de facteurs bien connus aujourd’hui : stress, environnement, maladies…

Mais, il est un facteur majeur, présent chez 100 % des personnes et dont personne ne parle, bien qu’il soit certainement le facteur le plus important d’altération de notre santé : la sénescence[2].

Celle-ci altère tous nos systèmes physiologiques dès la fin de l’adolescence et avance insidieusement vers une fragilisation constante des systèmes constituant notre organisme, ouvrant des voies royales vers les maladies, qui lorsqu’elles surviennent, aggravent notre sénescence. Nous sommes en plein cercle vicieux.

Dans le contexte actuel, le Coronavirus devient de plus en plus pathogène avec l'avancée en âge de ses victimes. Le système physiologique en cause est bien sûr le système immunitaire qui s'altère progressivement avec la sénescence.

Aujourd’hui, rester en bonne santé nécessite avant tout d’intervenir sur la sénescence, sa sénescence, avant même la survenue de la maladie : il ne faut pas attendre d’être malade pour s’occuper de soi, de sa santé, de sa physiologie.

Ce point est d’ailleurs sous-tendu dans les grands concepts qui émergent de cette définition de la santé de l’OMS. La prévention, la promotion et l’éducation pour la santé sont les éléments indispensables d’une politique de santé cohérente. La prévention est selon l’OMS en 1948, « l’ensemble des mesures visant à éviter ou réduire le nombre et la gravité des maladies, des accidents et des handicaps ».

L’OMS définit ensuite trois niveaux différents de prévention qui ne s’excluent en rien :

1/ la prévention primaire est l'ensemble des actes visant à diminuer l’incidence d’une maladie dans une population et à en réduire les risques d’apparition ; sont ainsi pris en compte la prévention des conduites individuelles à risque comme les risques en terme environnementaux et sociétaux. La prise en charge de la sénescence, hors pathologie, s'inscrit parfaitement dans ce cadre.

2/ la prévention secondaire (ou dépistage) cherche à diminuer la prévalence d’une maladie dans une population et qui recouvre les actions en tout début d’apparition ;

3/ la prévention tertiaire cherche à diminuer la prévalence des incapacités chroniques ou récidives dans une population et de réduire les complications, invalidités ou rechutes consécutives à la maladie.

Ces concepts ont été actualisés par la Charte d’Ottawa[3], établie à l’issue de la première Conférence internationale en 1986, ratifiée par la France, qui précise que la promotion de la santé a pour but de « donner aux individus davantage de maîtrise de leur propre santé et davantage de moyens de l’améliorer».

Ce dernier concept est fondamental, car il met de façon parfaitement explicite l’individu au cœur de sa propre santé. A chacun de prendre, le mieux possible, sa santé en main et de l’améliorer !

Comment peut-on être plus clair ?

Mais comment peut-on prendre sa santé en main aujourd’hui en 2020, soit 74 ans après la déclaration inaugurale de l’OMS et 34 ans après Ottawa ?

Il faut simplement changer de paradigme. Ne plus regarder la santé sous l’angle de l’absence de maladie, mais sous l’angle de la physiologie et des équilibres homéostasiques, fondements de la santé.

La physiologie au cœur de la santé

La physiologie est la science de la santé et la physio-pathologie, celle de la maladie. La physiologie est une science, elle est donc basée sur des mesures et non sur des croyances. C’est la principale raison pour laquelle de nombreuses personnes n’ont pas envie de faire de cartographie physiologique, car elles ont le sentiment de rentrer dans une médecine futuriste où ils ne sont plus « maître à bord ». Quelle erreur !

Mais au même titre que l’on ne peut construire un Airbus A 380 avec de bons sentiments et quelques conseils pris ça et là, on ne peut optimiser sa santé avec pour seule aide internet ou quelques conseils d’ami(es). Un avion de ligne est beaucoup plus simple à concevoir ou à entretenir que notre organisme.

Chaque personne est différente, évolue au cours du temps de façon différente, à une psychologie et des environnements différents… et tout cela contribue à rendre cette personne unique. Un conseil, une prise en charge ne peut se concevoir qu’à la suite de mesures qui seront le reflet exact du fonctionnement et des déficits de votre organisme. Ce sont là les conditions de bases d’une prise en charge scientifique et utile.

Nous avons changé de siècle, apprenons à utiliser les connaissances considérables que nous avons aujourd’hui en sciences de la longévité pour une meilleure gestion de notre santé.

Changez de siècle, prenez votre santé en main.

Vous n’en avez qu’une et elle est précieuse.

Docteur Christophe de JAEGER
Président de la SFMPL

 

[1] Préambule à la Constitution de l’Organisation mondiale de la Santé, tel qu’adopté par la Conférence internationale sur la Santé, New York, 19-22 juin 1946 ; signé le 22 juillet 1946 par les représentants de 61 États. 1946 (Actes officiels de l’Organisation mondiale de la Santé, n° 2, p. 100) et entrée en vigueur le 7 avril 1948.

[2] La sénescence peut se définir simplement comme une perte de nos capacités fonctionnelles avec l’avancée en âge.

[3] Charte d’Ottawa du 21 novembre 1986.